Le blanchiment d’argent – un produit du trafic illégal de stupéfiants, de crime financiers et de la fraude commerciale – est considéré comme un crime grave partout dans le monde. Par conséquent, le gouvernement du Canada a enjoint les institutions financières du pays à présenter un front uni pour lutter contre ce problème complexe à l’aide de contrôles anti-blanchiment (CAB) exhaustifs. Dans le cadre de cette entrevue avec Taryn Kelly, gestionnaire, Conformité – prêts hypothécaires commerciaux, nous en apprenons plus sur les normes en matière de CAB que First National applique dans la lutte contre ce crime coûteux.
Taryn, qu’est-ce que le blanchiment d’argent?
C’est une méthode utilisée pour traiter de l’argent sale généré par des activités criminelles par l’entremise d’une entreprise légale et le convertir en argent propre dont l’origine criminelle ne peut être facilement retracée. L’expression remonterait aux années 1920; à l’origine, le crime organisé avait recours à des blanchisseries pour convertir leurs gains obtenus illégalement.
Est-il exact d’affirmer que les gouvernements luttent contre le blanchiment d’argent depuis des années?
Absolument. Pour résumer l’histoire récente, le Canada est un membre fondateur du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux, créé par le G7 en 1989. En 1991, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, laquelle établissait des exigences en matière de tenue de dossiers et d’identification de clients dans le secteur financier afin de faciliter les enquêtes et les poursuites de cas de blanchiment d’argent en vertu du Code criminel du Canada et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Une importante modification a été apportée à cette loi en 2000 pour en étendre la portée et créer le CANAFE, une unité du renseignement financier de compétence nationale en matière de blanchiment d’argent. Après les attaques terroristes perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001, la portée de la Loi a été étendue une fois de plus pour décourager les activités terroristes et la Loi a alors été renommée Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
La loi a-t-elle été modifiée depuis?
Oui, elle a fait l’objet d’ajouts, dont des modifications visant à élargir les exigences en matière d’identification du client, de tenue de dossiers et de production de rapports et de nouvelles obligations en matière de signalement de transactions douteuses et de télévirements internationaux de fonds, d’évaluations du risque et de mise en œuvre de politiques et procédures de conformité écrites.
Serait-il aussi exact d’affirmer qu’il s’agit d’une lutte sans fin?
Oui, je le dirais et la législation continue donc d’évoluer. Le Canada n’est pas seul dans cette lutte. Cependant, comme nous n’avons pas en place un registre central des sociétés renfermant la liste des propriétaires bénéficiaires des actifs de ces sociétés, le gouvernement et les institutions financières ont dû prendre diverses mesures qui diffèrent de celles que vous observerez peut-être dans d’autres pays où les sociétés participent activement aux processus d’identification et de vérification.
Quelle serait l’utilité d’un registre des sociétés?
Un registre des propriétaires bénéficiaires ferait en sorte qu’il serait plus difficile pour les propriétaires bénéficiaires de se cacher derrière une société fictive. De plus, un tel registre aiderait les institutions financières à se conformer plus facilement aux règles législatives dites « Connaissez votre client ».
À quoi servent les règles dites « Connaissez votre client »?
En notre qualité de prêteurs, nous devons nous poser la question à savoir si une transaction a du sens à nos yeux. Les antécédents, l’historique, le niveau de revenu et la structure de propriété de l’emprunteur forment-ils un tout cohérent ou y a-t-il des écarts ou des incohérences apparents? C’est en appliquant les règles dites « Connaissez votre client » que nous pouvons répondre à ces questions, remplir les blancs et obtenir les assurances nécessaires quant à l’identité de nos clients et à la provenance des fonds. Cela nous oblige de creuser plus creux afin d’avoir une image complète de la situation. Pour un prêteur, « Connaissez votre client » fait beaucoup de sens, en tout état de cause. Cependant, il s’agit d’un système formalisé auquel tous les prêteurs – sans exception – doivent se prêter. De plus, relativement à la réglementation sur la lutte contre le blanchiment d’argent précisément, nous pouvons savoir exactement qui bénéficiera d’une transaction donnée.
Donc, même si First National est un prêteur non bancaire, vous appliquez néanmoins les règles de lutte contre le blanchiment d’argent?
C’est exact. Nous ne sommes pas une banque, mais nous appliquons les lignes directrices en matière de lutte contre le blanchiment d’argent à la lettre parce que nous travaillons avec les plus grandes institutions réglementées au pays quotidiennement par le biais de notre réseau d’investisseurs. Aussi, d’un point de vue moral et éthique, nous tenons absolument à faire notre part.
En termes pratiques, comment des prêteurs comme First National et vos emprunteurs ont-ils été touchés par la lutte contre le blanchiment d’argent?
First National a adopté de nouvelles procédures et politiques pour intégrer les normes relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent dans ses pratiques commerciales quotidiennes. Cela requiert plus de paperasse, nous oblige d’examiner un plus grand nombre de documents et nous impose une diligence raisonnable plus rigoureuse. Pour nos clients, les modifications apportées aux règles ont eu la même incidence. On leur demande de fournir plus d’information et de divulguer davantage. De plus, ils ont plus de paperasse à soumettre. C’est fastidieux, mais – bien entendu, nos clients comprennent pourquoi c’est nécessaire. En réalité, la lutte contre le blanchiment d’argent occupe aujourd’hui une si grande partie de nos activités normales dans les industries de la finance et de l’immobilier que c’est une pratique largement acceptée, même si elle est intrusive.
Que voulez-vous dire par intrusive?
Par exemple, si un emprunteur dépose une demande de prêt et si l’actif est détenu en partie personnellement et en partie par sa fiducie familiale, les règles dites « Connaissez votre client » nous obligent de connaître l’identité des bénéficiaires individuels de la fiducie, et ce, même si les bénéficiaires membres de sa famille ne sont pas directement des parties au prêt ou ne participent pas directement à l’exploitation de l’actif. Une telle divulgation peut sembler excessive, mais, comme j’ai dit, en l’absence d’un registre national central des sociétés, c’est nécessaire.
Quelles sont les pénalités en cas de non-conformité?
Les prêteurs peuvent se voir imposer des amendes, des restrictions d’exploitation ou des sanctions et – selon la gravité de l’infraction – sa réputation peut gravement en pâtir. La conformité est quelque chose que nous prenons très au sérieux.
Quels sont les principaux documents ou les principales attestations que les emprunteurs doivent être prêts à fournir à First National avec leur demande de prêt?
Au moment du dépôt de sa demande, l’emprunteur a tout intérêt à fournir une divulgation exacte et complète de la structure de propriété de son entreprise, car cette structure aura un impact sur l’ensemble de la transaction, du début à la fin de celle-ci. En l’absence d’une telle divulgation complète ou d’un document donné concernant la structure de propriété, ça peut ajout des délais au processus, exiger une garantie additionnelle pour le prêt, bloquer le financement ou, dans le cas d’un prêt assuré par la SCHL, se solder par une modification du certificat d’assurance. Pour éviter ces problèmes, mon conseil aux emprunteurs serait de consulter leur avocat et leur comptable en amont pour s’assurer d’être en mesure de fournir d’emblée à First National des renseignements d’une exactitude sans reproche concernant leur structure de propriété.
First National prend-elle des mesures pour aider les emprunteurs à se conformer plus facilement aux exigences de la loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent?
Absolument. Nous avons mis en place des processus permettant d’atténuer les problèmes et les délais potentiels. Par exemple, il y a un certain temps, nous avons développé un formulaire normalisé de renseignements de prêt dans le cadre de notre processus d’engagement. Lorsqu’un emprunteur le remplit ou l’envoie à son avocat pour que ce dernier le remplisse, cela facilite grandement le déroulement de la transaction en évitant les allers et retours autrement requis pour remplir les obligations imposées par les règles dites « Connaissez votre client ».
Quelle est l’information dont vous avez besoin?
En plus de renseignements détaillés sur les propriétaires de la société – y compris sur les pourcentages de participation au capital-actions –, la loi nous oblige de documenter la composition du conseil d’administration, de dresser la liste des signataires autorisés, de fournir les noms du gestionnaire immobilier et du courtier d’assurance ainsi que le prix d’achat de l’immeuble et l’utilisation prévue du produit du prêt. Nous devons aussi produire une déclaration si des personnes politiquement exposées sont des parties à la transaction.
Qu’est-ce qu’une personne politiquement exposée?
Il s’agit de toute personne qui occupe un poste de haut rang au sein du gouvernement du Canada ou d’un gouvernement étranger ou encore au sein d’un organisme gouvernemental ou d’une organisation internationale. Bref, une personne politiquement exposée est toute personne pouvant être susceptible d’être inhabituellement influencée ou corrompue ou encore qui est étroitement associée à une telle personne. C’est une déclaration obligatoire pour chaque transaction
On a l’impression que vous avez travaillé considérablement à simplifier vos processus.
En effet, nous avons mis en place un programme complet de lutte au blanchiment d’argent qui s’applique à l’échelle de l’entreprise tout entière. Chaque membre de l’équipe de First National suit une formation annuelle sur la lutte au blanchiment d’argent, et ce, peu importe le poste qu’il occupe dans l’organisation. Cette formation vise à lui permettre de faire son travail efficacement. Du côté des ventes, l’équipe a développé considérablement ses compétences au fil des ans et, aujourd’hui, sait exactement quelles questions poser et comment aider les clients à se conformer aux exigences de la loi. De plus, nous partageons à intervalles réguliers des mises à jour avec nos services de première ligne étant donné que nous sommes continuellement saisis de nouveaux renseignements.
Y a-t-il d’autres améliorations ou modifications à la loi régissant la lutte au blanchiment d’argent à venir selon vous?
Je pense que cette loi sera continuellement appelée à évoluer, car les criminels qui blanchissent de l’argent raffinent continuellement leurs méthodes.
Malgré les mesures prises par First National pour venir en aide aux emprunteurs, vos clients ne sautent sûrement pas de joie à devoir fournir encore plus d’information qu’avant.
C’est juste et nous comprenons que la lutte au blanchiment d’argent impose un fardeau que tous nos clients partagent. Cependant, je pense aussi que nous sommes rendus à un stade où la loi est là pour de bon et que nos emprunteurs le comprennent aussi bien que nous. À la fois First National et ses clients reconnaissent que nos actions rendent un service utile à l’ensemble de la société. Comme First National accepte de remplir cette obligation continue, elle a fait une priorité de développer des processus qui aideront ses emprunteurs à remplir leurs propres obligations en matière de lutte au blanchiment d’argent.