En sa qualité de plus important prêteur immobilier commercial au Canada, Financière First National prend tous les jours des décisions de financement qui ont une incidence sur la croissance et la prospérité de collectivités et d’emprunteurs partout au pays. Pour cette raison, c’est plus qu’un intérêt passager de connaître le rang où se classe Montréal parmi les destinations où investir et croître pour les décideurs de cette société de premier plan qui administre des prêts hypothécaires d’une valeur totalisant 106 milliards de dollars. Dans le cadre de cette entrevue, nous demandons à Michael C. Williams, vice-président, Prêts hypothécaires commerciaux pour le Québec de First National, de nous partager ses perspectives sur le marché de Montréal et de commenter l’appétit qu’a First National pour l’investissement et la croissance dans ce marché au stade actuel du cycle économique.
Michael, dans quelle mesure Montréal est-elle une destination populaire d’investissement et de croissance pour First National?
Nous finançons des immeubles commerciaux au Québec seuls et en partenariat avec d’autres investisseurs institutionnels depuis des années, mais je vous dirais que notre appétit pour les actifs de Montréal n’a jamais été plus grand. Si vous y résidez, c’est bon, car Montréal a encore beaucoup de rattrapage à faire du point de vue des investissements. Bien que Montréal soit une ville de calibre mondial, son flux d’investissement n’est pas celui d’une ville de calibre mondial depuis longtemps. Par conséquent, malgré des hausses positives au cours des quelques dernières années, l’immobilier commercial à Montréal continue d’être négocié au rabais par rapport à d’autres métropoles canadiennes et internationales. Ce n’est certainement pas un secret pour mes collègues de First National ou pour nos investisseurs partenaires. Donc, même si je juge que nous accusons un retard dans le cycle immobilier à l’échelle nationale – et le marché évolue rapidement –, cette ville a beaucoup plus à offrir aux investisseurs astucieux.
À quoi ressemble le volume de nouveaux prêts souscrits auprès de First National dans ce marché en 2018?
L’équipe des prêts hypothécaires commerciaux de First National responsable du marché du Québec a connu une autre excellente année en 2018. Nous y avons consenti pour environ un milliard de dollars en nouveaux prêts. Nous avons ajouté deux nouveaux analystes à notre équipe commerciale ainsi qu’un directeur responsable de l’émission de prêts hypothécaires commerciaux. Aussi, nous avons investi dans de nouveaux espaces de bureaux en prévision d’une croissance future. Ces espaces sont en cours de rénovation et devraient être prêts à être occupés d’ici le 30 mai 2019.
Qu’est-ce qui motive votre intérêt?
Des facteurs macroéconomiques pour commencer. L’emploi est à la hausse et demeure solide, les taux de chômage ayant atteint des planchers historiques. Aussi, le bilan migratoire net s’est considérablement amélioré. Il a fracassé un record historique en 2018, lequel devrait être fracassé à nouveau en 2019. En substance, le taux de migration net au Québec a quadruplé au cours des quatre dernières années. Nous observons que Montréal accueille de plus en plus de gens, dont beaucoup plus d’étudiants internationaux qui s’y installent pour fréquenter certaines des meilleures universités du pays et vivre dans une ville multiculturelle dynamique et sécuritaire qui demeure très abordable par rapport à de nombreuses autres grandes villes. Aussi, Montréal est devenue un carrefour technologique, particulièrement pour des sociétés multinationales, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il y a beaucoup d’investissement et de création d’emploi dans ces domaines très lucratifs, ce qui attire de jeunes professionnels qui recherchent et réclament des logements de qualité supérieure. Tout cela alimente l’énorme demande de logements locatifs, tout comme les nouvelles règles de souscription en simulation de crise dictées par le ministère des Finances. La mise en œuvre par le gouvernement fédéral de nouvelles règles d’admissibilité en matière de prêts hypothécaires résidentiels a fait en sorte qu’il soit aujourd’hui plus difficile et restrictif pour des acheteurs potentiels de se qualifier en vue d’une hypothèque résidentielle. Ces changements restrictifs ont incité plusieurs acheteurs d’une première habitation qui s’étaient déjà qualifiés à rester dans le marché locatif, ce qui a aussi contribué à augmenter la demande.
Dans son budget de 2019 déposé au printemps, le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures visant à aider les acheteurs d’une première habitation.
C’est vrai et on y trouve des mesures incitatives de la SCHL ainsi qu’une majoration du montant maximal pouvant être retiré d’un REER [en vertu du Régime d’accession à la propriété]. Bien que ces mesures soient susceptibles de venir en aide à certains premiers acheteurs, je ne crois pas qu’elles aient une incidence significative sur le marché locatif.
Cette demande est-elle satisfaite par l’industrie du développement?
Bien, je vous répondrai ceci. Quelque 8 000 unités locatives neuves se sont ajoutées au parc existant en 2018. Cependant, le taux d’inoccupation demeurait inférieur à 2 % et il est en baisse partout sauf dans certains quartiers de Laval et de Vaudreuil-Soulanges. Cela signifie que la Ville a fait un bon travail à absorber les nouvelles unités. Aussi, alors que la région métropolitaine de Montréal abrite de loin le plus important marché d’appartements au Canada, avec quelque 584 000 unités au dernier dénombrement, un pourcentage assez élevé du parc immobilier demeure vieillissant. Donc, entre la construction d’unités locatives neuves et la rénovation de vieux appartements, je dirais qu’il y a un besoin d’investir davantage et de maintenir l’élan pour assurer la croissance du marché.
La nouvelle offre a-t-elle contribué à ralentir l’inflation des loyers?
Alors que les unités neuves commandent des loyers variant entre 1,75 $ et 3 $ le pied carré, le parc plus vieux et vieillissant – qui commande des loyers beaucoup moins élevés – demeure considérable. L’an dernier, le loyer moyen d’une unité d’appartement a augmenté modestement de 2,5 % pour s’établir à 796 $. Il y a donc certainement eu inflation dans une certaine mesure. Cependant, lorsque ce taux est comparé à ceux applicables aux loyers moyens dans d’autres grandes villes canadiennes, Montréal demeure une véritable aubaine. En fait, j’affirmerais que Montréal est incontestablement le marché locatif le plus abordable parmi les grandes villes canadiennes. À Vancouver et à Toronto, les loyers moyens se chiffrent à 1 385 $ et à 1 359 $ respectivement.
First National est-elle vraiment intéressée à prêter au marché montréalais des logements locatifs?
L’activité principale de First National consiste depuis toujours à consentir des prêts pour financer l’achat d’immeubles multirésidentiels locatifs. Il peut d’agir de prêts assurés, de prêts conventionnels, de prêts-relais ou encore de prêts à la construction. Cela étant dit, nous consentons également des prêts qui financent l’achat de maisons de retraite et disposons de fonds conventionnels pour l’acquisition d’actifs commerciaux. Pensons notamment aux immeubles industriels et aux entrepôts libre-service. Ce sont deux autres catégories d’actifs que nous aimons bien et qui se portent bien.
Pourquoi des immeubles industriels?
La relance de l’activité économique et la croissance démographique ont eu un effet d’entraînement très positif sur la demande d’entrepôts, d’opérations logistiques et de centres de données entre autres. L’augmentation de la demande d’entrepôts libre-service est le reflet de l’augmentation du taux d’occupation des appartements à mesure que de jeunes aînés décident de vendre leur maison détachée et choisissent de louer une copropriété de qualité. Si vous décidez de quitter une maison de trois chambres à coucher et d’emménager dans un appartement ou un condo, vous aurez fort probablement des meubles en trop ainsi que d’autres possessions que vous voudrez stocker dans un entrepôt libre-service. La demande d’espaces d’entreposage parmi les locataires est également alimentée par le fait que les appartements plus récents sont de dimensions de plus en plus petites.
Lorsque vous pensez aux types de financement qu’on vous demande à ce stade-ci du cycle où en est Montréal, octroyez-vous principalement des prêts conventionnels ou des prêts assurés?
C’est un mélange des deux, ce qui fait de First National un prêteur unique dans le marché. Contrairement aux banques, nous nous faisons un devoir d’offrir un accès à différents types de financement. En effet, nous voulons proposer à chaque emprunteur le financement qui a le plus de sens pour lui d’un point de vue économique. Par exemple, on observe actuellement une forte demande pour les prêts de 10 ans assurés par la SCHL afin de financer de nouveaux immeubles multirésidentiels stabilisés dont la valeur a été optimisée. En même temps, les propriétaires d’immeubles moins récents tendent à opter pour des prêts assurés par la SCHL d’un terme plus court de cinq ans ou de prêts-relais conventionnels d’encore plus courte durée dans l’optique de repositionner leurs actifs et d’en maximiser la valeur avant de demander du financement assuré par la SCHL. Nous pouvons aussi libérer de la valeur nette et permettre aux emprunteurs d’accéder aux capitaux qu’ils détiennent dans leurs immeubles locatifs. Dans ce cas, cela passe par une hypothèque conventionnelle de deuxième rang, dans le cas où l’hypothèque de premier rang vient à échéance d’ici un an à trois ans.
La SCHL semble active en ce moment, mais est-il difficile pour les développeurs et les propriétaires montréalais de se qualifier pour des prêts hypothécaires assurés?
Je n’utiliserais pas le mot difficile. Je dirais plutôt qu’il est important pour les emprunteurs de faire preuve de précision dans les propositions qu’ils déposent à la SCHL. First National est un prêteur approuvé par la SCHL. Une de nos priorités est d’aider nos clients à déterminer les programmes de la SCHL qui leur conviennent, puis de procéder aux demandes de financement en conséquence. Bien souvent, il arrive que des promoteurs ratent des occasions de financement vraiment avantageuses offertes par l’intermédiaire du programme Bâti-Flex de la SCHL pour la construction de nouveaux immeubles d’appartements. Ou encore, ils passent à côté de crédits sur prime d’assurance consentis par le programme éconergétique de la SCHL tout simplement parce qu’ils en ignorent l’existence. Nous nous faisons aussi une fierté de pouvoir travailler avec nos clients pour présenter des dossiers de qualité à la SCHL. Par conséquent, nos clients tendent à obtenir de meilleurs résultats plus rapidement et plus facilement. First National réalise tellement de transactions assurées par la SCHL que nous savons comment nous y prendre pour livrer des résultats au client et nous sommes continuellement au courant des exigences évolutives de la SCHL. Comme le veut l’adage, la connaissance, c’est le pouvoir et nous aimerons habiliter nos emprunteurs afin qu’ils puissent prendre des décisions mieux éclairées.
Nous avons vu la Banque du Canada hausse son taux directeur à trois reprises distinctes en 2018. Quel effet ces hausses ont-elles eu sur le comportement des emprunteurs locaux?
Bien, la Banque du Canada semble avoir fait demi-tour pour ce qui est de sa façon de penser à cet égard sur la base de nouvelles données économiques. Cependant, à la fin de l’année dernière, elle avait certainement ravivé de vieilles inquiétudes concernant des hausses de taux. Par conséquent, nous avons constaté une hausse de la demande notre programme de fixation de taux d’intérêt, lequel permet de se prémunir contre de futures hausses de taux. En fait, à l’automne, nous avons financé la transaction de 120 millions de dollars comprenant sept immeubles d’un promoteur. Dans ce cas précis, nous avions réussi à fixer le taux pour 90 millions de dollars en financement avant même d’avoir obtenu l’approbation de la SCHL. Notre emprunteur a été très reconnaissant que nous avons pu dissiper une partie des craintes et des inconnus relatifs aux fluctuations des taux d’intérêt.
De ces jours-ci, à combien montent les prêts que vous consentez à des emprunteurs montréalais?
Dans le cas de prêts assurés par la SCHL, je dirais d’au moins un million de dollars. Cependant, nous préférons nous concentrer sur des transactions de trois millions ou plus. Quand il est question d’un prêt assuré par la SCHL, il n’y a pas vraiment de maximum. Plus c’est élevé, mieux c’est. Dans le cas d’un prêt conventionnel, notre minimum serait de trois millions de dollars. Dans le cas d’un prêt de deuxième rang, notre minimum serait de deux millions de dollars.
Observez-vous beaucoup d’appels de fonds pour rénover des immeubles de logements locatifs dans la ville?
Absolument, et c’est parce qu’une bonne partie du parc immobilier locatif est vieillissant et parce que les immeubles locatifs coûtent comparativement beaucoup plus cher. Dans le passé, personne ne portait d’attention aux vieux immeubles parce que ce n’était pas payant. Aujourd’hui, même des actifs en apparence peu attrayants commandent des prix élevés. Pour réussir à soutirer un peu plus de valeur d’un immeuble donné, un immeuble dont l’achat commande un faible taux d’actualisation, l’acheteur futé cherchera activement des moyens de majorer les loyers en procédant à ce que nous qualifions de repositionnement de l’actif. Un tel acheteur empruntera pour investir dans la rénovation de cuisines et des salles de bain ou encore pour enlever des murs afin de créer des appartements à aire ouverte. Ce sont des caractéristiques que cherchent les locataires prêts à payer plus pour un logement locatif de meilleure qualité. Y procéder adéquatement et efficacement peut transformer un taux d’actualisation très faible à l’achat en taux beaucoup plus avantageux quand tout a été dit et fait. Toutefois, j’ajouterai ceci. Malgré le fait que le repositionnement d’un actif représente une option viable dans le cas de certaines propriétés, dans le cas de nombreuses propriétés à Montréal, il demeure possible d’acquérir le flux de trésorerie et de « détacher des coupons ».
Pensez-vous que le boom de l’immobilier commercial se poursuivra à Montréal?
Il est impossible de prédire l’avenir, mais je suis d’avis que les grands facteurs économiques sont généralement positifs, surtout dans le cas d’immeubles d’appartements locatifs. Notre pipeline de prêts se porte très bien et je crois que notre ville soit sur une lancée et qu’elle ne soit pas près de perdre son élan. Malgré la hausse de la valeur des terrains et des coûts de construction, et c’est certainement une situation qui impose de nouveaux défis, le fait est que les loyers sont aussi à la hausse, ce qui justifie des décisions d’investissements.
Une dernière question. Êtes-vous disposé à partager d’autres perspectives aux emprunteurs?
Absolument. Tout comme mes collègues d’ailleurs.
Pour plus d’information, prière de communiquer avec moi par courriel à l’adresse Michael.williams@firstnational.ca ou encore avec un membre de l’équipe de la division commerciale de First National à Montréal.