Jeremy Wedgbury, vice-président directeur, Prêts hypothécaires commerciaux de Financière First National et vétéran de l’industrie du financement, dirige une équipe qui sert plusieurs des plus importants promoteurs et propriétaires immobiliers du Canada. Il occupe donc une position unique pour commenter les tendances qui se dessinent dans le secteur de l’immobilier commercial d’un bout à l’autre du Canada. Dans le cadre de cette entrevue, nous demandons à Jeremy de nous partager ce qu’il pense de l’actuelle conjoncture du marché et des perspectives en matière de financement hypothécaire commercial.
Jeremy, le deuxième semestre de 2019 est maintenant bien enclenché. Quelle sorte d’année avons-nous eue jusqu’à maintenant?
Incroyablement productive. Ici, chez First National, nos volumes atteignent des sommets historiques. Au cours de notre deuxième trimestre, nous avons émis pour 2,6 milliards de dollars de prêts commerciaux, soit 50 % de plus qu’il y a un an. Cela reflète la forte demande du marché ainsi que la position de chef de file qu’occupe First National. Sur le plan des renouvellements de prêts commerciaux, nous sommes rendus à une valeur de 664 millions de dollars, soit environ 2,2 fois plus élevés que l’an dernier en fonction des mêmes facteurs fondamentaux. Par conséquent, avec un total de 29,3 milliards de dollars en prêts commerciaux administrés, First National est de loin le plus important prêteur hypothécaire commercial au Canada.
Sur le plan de la demande, y a-t-il une tendance entre les volumes de prêts assurés et de prêts conventionnels à l’étape du montage?
Fait intéressant, nous observons un partage 50-50 entre les deux. Honnêtement, je n’aurais jamais pensé qu’un tel équilibre serait possible. Mais c’est ce que nous avons accompli, car la demande de prêts assurés et de prêts conventionnels à la fois continue d’augmenter.
À quoi cela est-il attribuable?
Nous avons étendu notre plateforme de prêts et sommes aujourd’hui encore plus attentifs aux besoins du marché. Par rapport à ce qui était le cas, nous recevons beaucoup plus d’appels d’investisseurs institutionnels qui veulent mener des transactions conventionnelles en partenariat avec First National. Cela témoigne de la solidité du marché immobilier commercial et du fait que nous sommes alignés sur les emprunteurs commerciaux les plus compétents et les plus expérimentés. Aussi, nous continuons d’explorer de nouvelles avenues pour les prêts assurés.
Par exemple?
Nous avons réalisé trois projets de logements pour étudiants d’une certaine envergure en Ontario et en Alberta de concert avec la SCHL cette année. Deux prêts à terme et un prêt à la construction. Vous me direz que ce n’est pas beaucoup, mais les logements pour étudiants s’inscrivent dans une catégorie d’actifs complexe pour les prêteurs et les assureurs hypothécaires, car chaque unité compte quatre ou cinq sections de chambres à coucher. Donc, en cas de défaut de paiement, ces unités ne sont pas facilement convertibles en appartements conventionnels. Mais nous ne nous sommes pas laissés découragés. Nous avons creusé le programme de logements pour étudiants de la SCHL et avons modélisé des flux de trésorerie qui ont su convaincre la SCHL que ces montages étaient tout à fait assurables. Ce qui a été vraiment intéressant est que nous avons structuré un de ces projets de telle sorte à permettre à l’emprunteur d’obtenir un prêt hypothécaire de premier rang assuré ainsi qu’un prêt hypothécaire de deuxième rang conventionnel. Sur une base pondérée, le taux d’intérêt combiné était moins élevé que celui qu’il aurait payé pour un prêt 100 % conventionnel. Je pense que ces trois exemples démontrent qu’il est payant de pouvoir compter sur un prêteur capable d’innover et disposé à présenter différentes options de financement. Aussi, ils démontrent que la SCHL est toujours prête à évaluer un dossier d’analyse bien monté. Maintenant que nous avons réalisé ces montages, nous avons un modèle ayant fait ses preuves que nous pouvons utiliser pour en réaliser d’autres.
L’évolution de First National comme chef de file du marché a-t-elle mené au financement de plus importants montages commerciaux que dans le passé?
Je dirais oui, absolument. Notre capacité d’évaluer des montages d’envergure et de les structurer correctement crée un accès facile à de grands flux de capitaux. À son tour, cela nous positionne pour travailler sur des montages d’encore plus grande envergure. C’est certain que ça transforme nos façons de faire et ça reflète la maturité de nos procédures et de nos capacités de même que notre renommée croissante comme prêteur qui ne prend que des risques calculés. Par exemple, nous avons récemment financé un portefeuille de propriétés réparties dans un certain nombre de provinces. Ce fut une transaction compliquée et complexe évaluée à des centaines de millions de dollars, avec des tranches A et B et plusieurs partenaires. La capacité de First National de mener l’analyse de risque, de mobiliser les capitaux et d’assurer le service du prêt démontre la force de notre plateforme.
Quels sont les marchés chauds au Canada pour First National et ses partenaires et lesquels ne le sont pas en ce moment?
Laissez-moi répondre à cette question d’abord d’une perspective globale. Ce que je veux dire par cela est que les grands partenaires de financement institutionnel avec lesquels nous travaillons cherchent à investir des montants élevés en titres de créance grevant divers actifs immobiliers. Ils le font après avoir évalué le risque lié au marché et projeté ce risque sur les années à venir. Cela étant le cas, notre approche est la suivante : même dans les marchés où la dynamique est difficile et les risques sont accrus, nous cherchons à structurer des montages de sorte à compenser ce risque. Par exemple, nous offrirons un point levier moins élevé ou nous mettons en place des tranches A et B. Aussi, nous nous alignons sur des emprunteurs expérimentés qui ont les reins solides dans chaque marché. Ce faisant, nous sommes en mesure de satisfaire à la demande d’emprunteurs locaux tout en livrant les rendements ajustés en fonction du risque que nous visons à produire pour First National et nos partenaires de financement. C’est ainsi que nous avons développé une présence dans le marché national et bâti notre réputation de prêteur polyvalent. Pour ce qui est des marchés chauds, l’immobilier commercial est une catégorie globalement en forte demande. Le marché des immeubles d’appartements est chaud partout au Canada, le marché de Montréal se porte très bien et je pense qu’il en sera ainsi pour les trois à cinq prochaines années, voire plus. Quant aux marchés qui éprouvent des difficultés, le commerce de détail en arrache vu l’évolution de la dynamique du secteur et nous observons des difficultés économiques qui perdurent dans certaines parties de l’Ouest canadien.
Avez-vous renforcé votre présence dans le marché local pour vous assurer d’être en mesure de bien saisir la demande?
Absolument. Nous avons recruté et nommé plusieurs cadres supérieurs très expérimentés dans nos bureaux partout au Canada. Par exemple, Michael C. Williams s’est joint à notre équipe l’an dernier comme vice-président régional responsable du Québec. Michael est originaire de Montréal et compte 17 ans d’expérience en financement d’immobilier commercial. Avant de se joindre à notre équipe, il a occupé des postes cadres pour deux grandes banques à charte. À Vancouver, nous avons recruté Michael Yeung plus tôt cette année au poste de vice-président régional responsable du financement commercial en Colombie-Britannique. Ayant à son actif 25 ans d’expérience dans le marché [de la Colombie-Britannique] au service de trois banques canadiennes, Michael veille à l’expansion de cette importante activité commerciale. Et, à Halifax, nous avons Jody Comeau qui dirige nos activités dans la région du Canada atlantique comme vice-président adjoint, Financement commercial. Jody compte 16 ans d’expérience au service de First National. À ses débuts, il travaillait comme souscripteur de prêts résidentiels. Il a conclu plus de 21 000 transactions d’une valeur globale de plus de 3,6 milliards de dollars. Sous la direction de Jody, First National a grandi pour devenir le plus important prêteur hypothécaire dans le marché des immeubles commerciaux à unités multiples des Maritimes. Chacun de ces professionnels possède des années d’expertise des marchés locaux du crédit et de vastes réseaux de contacts. Ils ont tous démontré l’aptitude de rehausser nos affaires sur les plans quantitatif et qualitatif. Globalement, nous avons d’excellentes personnes en poste d’un océan à l’autre qui veillent aux intérêts de nos emprunteurs et investisseurs partenaires.
Vous avez mentionné que les immeubles à logements multiples forment une catégorie d’actifs populaire. Qu’est-ce qui explique sa popularité et est-ce viable à long terme?
Il y a un problème criant d’offre insuffisante de logements neufs au Canada à une époque où la demande est forte autant du côté de personnes n’ayant pas les moyens d’acheter une maison que de celui de personnes ayant déjà été propriétaires qui ont décidé de vendre leur maison et d’encaisser le profit de la vente pour financer leur projet de retraite. Selon moi, cette dynamique se maintiendra probablement pendant encore dix ans, pas nécessairement dans toutes les villes canadiennes, mais certainement dans de nombreuses communautés.
Quelles villes se dirigent vers un marché de logements locatifs équilibré entre la demande et l’offre?
Nous avons observé la construction d’un nombre considérable d’unités locatives à Victoria, à Halifax et à Edmonton. Dans le cas de Victoria, beaucoup de gens s’y installent. Je pense donc que la demande continuera de dépasser l’offre, mais il y a néanmoins un certain équilibre qui est en train de s’établir. Dans l’est du pays, on construisait des appartements à Halifax il y a dix ans alors qu’il s’en construisait comparativement peu ailleurs au Canada. Là aussi, le marché tend vers un meilleur équilibre. À Edmonton, le parc locatif prend de l’expansion et certains se préoccupent de la demande étant donné la situation économique de la province et son taux de chômage. Ce qui pourrait arriver là est que les constructions neuves attirent des locataires qui habitent actuellement des unités plus vieilles. Si cela se produit, ça pourrait certainement nuire aux taux d’occupation des immeubles moins récents, mais il reste à voir comment tout se passera. Tous comptes faits, nous sommes très à l’aise avec la situation de ces trois marchés à l’heure actuelle.
Il y a quelques années, vous avez mentionné que des promoteurs d’immeubles en copropriété avaient commencé à construire des logements locatifs. Le font-ils toujours?
Ça dépend de la région. En Alberta, nous avons observé une transition vers la construction d’unités locatives, car la demande dans le marché des immeubles en copropriété a fléchi. À Toronto, les facteurs qui influencent la demande ne sont pas les mêmes. Ici nous voyons des promoteurs qui choisissent de construire des logements locatifs plutôt que des condominiums parce que, dans bien des cas, ils veulent garder leur propriété à long terme plutôt que la revendre. De nombreux promoteurs de deuxième ou de troisième génération à Toronto me disent qu’ils ont construit beaucoup de superbes condominiums, mais ils se plaignent du fait qu’ils n’en sont plus propriétaires. C’est une proposition plutôt attrayante, celle de construire un immeuble d’appartements, de récolter les loyers sur le long terme et, à terme, de demeurer propriétaire d’un immeuble qui continuera de gagner en valeur s’il est bien situé dans la ville.
First National n’a jamais caché le fait qu’il préfère prêter à des constructeurs ayant de l’expérience. Est-ce toujours le cas et combien d’expérience est jugée suffisante?
L’expérience est essentielle et plus vous en avez, mieux c’est. Nombre de nos emprunteurs construisent depuis 20 ans, voire 30 ans, et ça se perçoit dans la façon dont ils composent avec le risque et réagissent rapidement aux circonstances changeantes. Ce sont des professionnels qui connaissent les meilleurs travailleurs spécialisés à appeler pour obtenir du travail de qualité dans le respect des délais et des budgets. La gestion budgétaire est extrêmement importante et c’est devenu plus difficile au cours de la dernière année en raison de l’inflation galopante des coûts de construction. Une inflation de cette ampleur a eu pour effet de freiner certains développements. Par conséquent, des spécialistes en coûts de construction prédisent un possible ralentissement de l’inflation des coûts, mais ça reste à voir si leur prévision s’avère. Et, bien entendu, toute discussion à propos de l’inflation doit aussi tenir compte des droits d’aménagement perçus par les municipalités. Selon la municipalité, ces droits peuvent représenter un coût considérable et croissant dont les constructeurs doivent tenir compte dans leur budget d’exploitation. First National en suit l’incidence dans son Indice des droits d’aménagement et c’est en Ontario où les plus récents changements apportés à cet indice ont été les plus prononcés. Je conseille toujours à nos clients de suivre l’Indice attentivement pendant la planification de leurs projets de développement.
Parlant d’inflation, un des principaux attraits d’être propriétaire d’un immeuble d’appartements est l’augmentation observée des taux de loyer. Est-ce une tendance qui se maintient?
Oui, bien que je pense que nous nous approchions du maximum de ce que des locataires peuvent payer dans certains marchés. Une des choses intéressantes que nous observons dans de grandes villes est que les nouvelles unités locatives sont moins spacieuses, ce qui permet de fixer des loyers mensuels plus abordables. Par ailleurs, des promoteurs investissent davantage dans des aires communes comme des salles de réception, des salles de jeux, des zones de conditionnement physique et ainsi de suite. De telles aires communes ajoutent de la valeur à l’offre faite aux locataires de plus petites unités. C’est une solution créative.
First National a la réputation d’être le plus important prêteur dans le secteur des appartements au Canada. Qu’en est-il des autres catégories d’actifs?
Nous sommes très actifs dans le secteur des entrepôts libre-service, où nous accordons des prêts à la construction ainsi que des prêts à terme. C’est devenu un important secteur pour nous au cours des quelque cinq dernières années. Comme j’ai mentionné, nous sommes également actifs dans le secteur des logements pour étudiants et nous cherchons à en faire plus. Nous sommes aussi devenus un chef de file du financement de logements abordables, de résidences pour retraités et de maisons de soins infirmiers.
Quant au marché du financement commercial dans son ensemble, avez-vous observé des changements?
Pas vraiment. Il y a beaucoup de capitaux disponibles, beaucoup de liquidités et un niveau sain de concurrence pour mettre la main sur des actifs de qualité.
Le portrait des taux d’intérêt a pas mal changé au cours de la dernière année. Comment les emprunteurs réagissent-ils?
En effet, les obligations hypothécaires du Canada et les obligations du gouvernement du Canada ont perdu plus de 100 points de base depuis septembre 2018 et cette baisse a vraiment modifié la teneur de la discussion que nous avons avec nos emprunteurs. La situation donne lieu à de saines discussions sur l’avantage de souscrire un prêt de plus longue durée et elle a créé une demande très forte de prêts de dix ans assurés par la SCHL à des quantités telles que nous avons raison de croire que la demande dépasse l’offre à la grandeur de l’industrie. En réaction à cette demande et aux fins d’équilibrer l’offre, sur une base limitée, First National a commencé à proposer des prêts assurés de 15 ans et de 20 ans à ses clients. Grâce à ces options additionnelles, nous sommes en mesure d’offrir des termes variant entre 1 an et 20 ans en plus de proposer des prêts à la construction assurés. Je dirais que nous en sommes au point dans le cycle où ça commence à vraiment porter fruit d’être proactif au sujet des taux et d’élaborer une stratégie avec un conseiller de First National capable de structurer d’excellents montages pour nos clients.
Une dernière question : Le moment est-il bon pour être propriétaire d’un immeuble commercial et un prêteur?
Le moment n’a jamais été plus propice, en général, mais je vais prendre le soin d’ajouter qu’il est important d’examiner soigneusement la catégorie d’actifs, l’emplacement et les aspects fondamentaux du montage avant de plonger. Nous nous en faisons un devoir et nous sommes toujours heureux d’aider des emprunteurs à évaluer des occasions à l’avance pour nous assurer qu’ils bénéficient de la meilleure structure de financement possible tout en évitant des risques inutiles.
Si vous souhaitez consulter First National au sujet de votre prochain projet immobilier commercial, notre équipe de financement commercial est facile à joindre par téléphone ou par courriel.