Perspectives en matière de politiques et de représentation pour 2026 : questions-réponses avec Tony Irwin, président de Logement Locatif Canada
- Conseils d’experts
- déc. 15, 2025
- Scott Mizzen, vice-président, financement commercial
La politique sur le logement n’a jamais été autant au premier plan des discussions du gouvernement fédéral qu’au cours des trois dernières années, après avoir été en grande partie entre les mains des autorités municipales et provinciales pendant plus de trois décennies. Tony Irwin, président de Logement Locatif Canada, figure parmi les principales parties prenantes à la table, ayant plaidé pour une bonification de l’offre de logements locatifs avant même qu’il ne soit déclaré qu’une crise du logement sévissait au pays.
M. Irwin a commencé sa carrière au sein de l’appareil gouvernemental avant de devenir conseiller en politiques en matière de logement locatif en Ontario. Il représente aujourd’hui les propriétaires et les exploitants d’immeubles d’habitation au Canada en tant qu’interlocuteur de premier plan à Ottawa. Selon lui, tous les ordres de gouvernement portent aujourd’hui une attention sans précédent aux dossiers du logement, ce qui offre d’immenses possibilités pour notre secteur.
Le vice-président responsable du financement commercial pour First National en Ontario, Scott Mizzen, s’est assis avec M. Irwin pour discuter de récents changements de politique au cours de la dernière année, de ce que le gouvernement doit mieux comprendre des défis de notre secteur et de ce qu’il pense des nouvelles politiques et des nouveaux programmes, comme Maisons Canada, des redevances d’aménagement, des pénuries de main-d’œuvre qualifiée ainsi que de la façon dont ces défis sont abordés.
Mizzen : En 2025, nous avons tenu des élections fédérales et élu un nouveau premier ministre, Mark Carney. L’année a également été marquée par des élections provinciales, des remaniements ministériels et des élections municipales partout au Canada. Quelle est l’incidence de tous ces changements au sein des gouvernements sur votre travail de représentation? Quelle est la plus grande difficulté que vous essayez encore de surmonter dans vos relations gouvernementales?
Irwin : Cette année, chaque ordre de gouvernement a porté une attention d’une urgence sans précédent à la question du logement. L’occasion à saisir est de collaborer davantage; par ailleurs, le défi consiste à nous assurer de ne pas perdre notre élan chaque fois qu’il y a changement de direction ou d’orientation politique. Le problème le plus difficile auquel nous sommes confrontés est la rationalisation des approbations et des incitatifs des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que des administrations municipales. Bien que le gouvernement fédéral agisse rapidement, des projets peuvent néanmoins être paralysés par des goulets d’étranglement et des obstacles réglementaires à l’échelle locale.
Mizzen : Sur ce point, de nombreux acteurs de notre secteur sont enthousiastes à l’idée d’une éventuelle collaboration et des occasions qu’offrira Maisons Canada, mais certains sont sceptiques, car nous ne connaissons pas encore tous les rouages de ce nouveau programme. Avez-vous des idées à cet égard et quant à l’incidence potentielle de ce programme sur la construction de logements locatifs multifamiliaux? Quel rôle avez-vous joué dans ces discussions avec le gouvernement?
Irwin : Le programme Maisons Canada présente un potentiel transformateur. Réunissant du financement, des terrains fédéraux et des méthodes de construction modernes, il sera utilisé comme guichet unique pour la construction à grande échelle de logements locatifs abordables. Nous avons activement fourni de la rétroaction et des recommandations au gouvernement, tout en prenant soin de lui faire valoir le besoin de rationaliser les processus et d’offrir des outils financiers souples. Nous sommes en train de prendre connaissance du Cadre de politique d’investissement de Maisons Canada, qui a récemment été rendu public, et il est désormais possible pour les promoteurs de déposer leurs demandes sur le portail.
Mizzen : Quant au premier budget fédéral de l’année présenté par le premier ministre Mark Carney, qu’y voyez-vous qui aura une incidence mesurable sur la construction de logements locatifs?
Irwin : Logement Locatif Canada s’est réjoui du relèvement de la limite des Obligations hypothécaires du Canada (OHC) à 80 milliards de dollars et de la mise en œuvre de la déduction de 10 % pour amortissement accéléré pour les nouveaux logements admissibles destinés à la location. Nous sommes encouragés par l’engagement de 17,2 milliards de dollars à l’appui de projets en infrastructure dans le domaine du logement et espérons voir une collaboration avec les provinces pour réduire les redevances d’aménagement. Manifestement, il reste encore beaucoup à faire, mais il s’agit là d’un premier pas positif de la part du gouvernement Carney.
Mizzen : Dans l’ensemble, nous constatons une collaboration de plus en plus étroite entre tous les ordres de gouvernement afin d’accélérer l’évolution de l’offre de nouveaux logements multifamiliaux, mais de nombreux projets demeurent paralysés à l’échelle municipale ou provinciale. Où se situent les principaux goulets d’étranglement, selon vous? Que fait votre organisation pour y remédier? Comment faire en sorte que tous les ordres de gouvernement travaillent de concert pour bonifier l’offre de logements?
Irwin : Les principaux goulets d’étranglement demeurent les mêmes : les autorisations municipales, les redevances d’aménagement élevées et les restrictions de zonage. Nous plaidons pour que le financement fédéral des infrastructures soit lié à des politiques favorables au logement à l’échelle municipale. À cette fin, nous partageons des données et des bonnes pratiques pour aider les administrations locales à percevoir les avantages de la construction de logements locatifs. L’harmonisation passe par des objectifs clairs, des incitatifs pour les municipalités qui produisent des résultats et l’obligation pour celles qui n’en produisent pas de rendre des comptes.
Mizzen : L’une des politiques que vous préconisez est une réduction de 100 % des redevances d’aménagement pendant deux ans afin de stimuler l’offre de logements locatifs. Dans le cadre d’une stratégie à long terme, que pensez-vous qu’il devrait advenir des redevances d’aménagement après l’expiration d’une telle période de réduction de 100 %, dans une optique de maintien de l’accroissement de l’offre de logements locatifs abordables?
Irwin : Après la période initiale de deux ans, les redevances d’aménagement applicables aux logements destinés à la location devraient être maintenues à des niveaux considérablement réduits, idéalement à pas plus de la moitié des niveaux actuels. Cela contribuerait à assurer la viabilité à long terme de projets et à encourager la continuité des investissements dans la construction de logements locatifs. Il faut également que le gouvernement fédéral continue d’appuyer des projets d’infrastructure municipale pour éviter que des municipalités soient pénalisées sur le plan financier lorsqu’elles soutiennent la construction de logements locatifs.
Mizzen : Outre la réduction de 100 % des redevances d’aménagement, vous préconisez également l’élimination de la TVH pour les immeubles locatifs dont la construction était déjà en cours avant la mise en œuvre de la politique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons qui vous poussent à plaider en ce sens? Qu’entendez-vous de la part de vos membres?
Irwin : Nombre de projets dont la construction a commencé avant l’annonce de l’exonération de la TPS/TVH ne sont pas admissibles, ce qui entraîne un soutien insuffisant apporté à des projets qui subissent les mêmes pressions financières que de nouvelles constructions. Nos membres nous ont avoué que cette situation était décourageante et qu’elle risquait de retarder ou d’annuler l’ajout de nouveaux logements locatifs dont nous avons collectivement besoin. Nous plaidons en faveur d’une aide rétroactive afin de permettre que tous les projets admissibles puissent en bénéficier et être maintenus.
Mizzen : C’est une excellente nouvelle! Cependant, même si les encouragements fiscaux et la réduction des redevances d’aménagement contribuent à accélérer la mise en chantier de logements locatifs, nous aurons toujours besoin d’un plus grand nombre de travailleurs qualifiés si la construction reprend. Votre organisation fait-elle quelque chose pour combler le manque de travailleurs qualifiés? Quel est le plus grand défi à relever à cet égard?
Irwin : Nous plaidons activement pour que les programmes d’immigration et de travailleurs étrangers temporaires donnent la priorité aux métiers spécialisés et nous soutenons des initiatives qui font la promotion des carrières dans la construction. Le plus grand défi est l’ampleur de la main-d’œuvre nécessaire par rapport au rythme actuel de formation et de recrutement. Le secteur doit collaborer avec le gouvernement et les établissements d’enseignement pour accélérer la mise en place de solutions.
Mizzen : Dans certains marchés, nous constatons un fléchissement des loyers, une augmentation des taux d’inoccupation et un ralentissement de la construction de nouveaux immeubles locatifs. Cela vous inquiète-t-il? Que pensez-vous de l’efficacité de l’incitation à la construction d’IRLM? Quelles sont d’autres mesures à prendre?
Irwin : Le ralentissement de l’activité de la construction neuve est préoccupant, car la demande de logements à long terme reste forte. L’incitation à la construction d’immeubles résidentiels à logements multiples (IRLM) est une mesure positive qui encourage les investissements dans de nouveaux logements locatifs grâce à des avantages fiscaux. Toutefois, nous devons veiller à ce que ces incitatifs soient permanents et prévisibles, tout en nous attaquant à d’autres enjeux, tels que le manque de financement et les pénuries de main-d’œuvre. Il est essentiel que nous continuions à nous concentrer sur l’augmentation de l’offre. En même temps, il est important que nous nous attaquions à d’autres obstacles à la construction, tels que l’accès au financement et les pénuries de main-d’œuvre dans les métiers de la construction. Dans ce contexte, la SCHL joue un rôle particulièrement important. Pour être efficaces face à ces défis, les programmes de la SCHL doivent être accessibles et adaptés aux besoins actuels des fournisseurs de logements.
Logement Locatif Canada plaide actuellement en faveur d’améliorations au processus de demande et de la bonification du financement d’initiatives telles que le Programme de prêts pour la construction d’appartements et le programme APH Select. L’objectif doit être d’assurer l’accès à du financement adéquat pour de nouveaux projets de logements locatifs.
Mizzen : Les nouvelles constructions font l’objet de bien des discussions sur le logement. Comment les propriétaires (grands et petits) peuvent-ils collaborer avec le gouvernement et d’autres parties prenantes pour veiller à ce que le parc locatif vieillissant du Canada reçoive les investissements et l’attention nécessaires pour en assurer la sécurité, l’efficacité et l’habitabilité pour des décennies à venir?
Irwin : Les fournisseurs de logements locatifs peuvent s’associer à des programmes gouvernementaux axés sur la rénovation et l’amélioration, tels que des subventions d’efficacité énergétique et des prêts à faible taux d’intérêt. Nous plaidons pour que ces programmes soient accessibles aux petits comme aux grands exploitants et pour que le processus soit simple. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que les locataires continuent à avoir accès à des logements sécuritaires et confortables malgré le vieillissement du parc locatif.
Mizzen : Quels sont les trois principaux changements à apporter pour que la Commission de la location immobilière de l’Ontario puisse mieux servir les propriétaires d’immeubles locatifs?
Irwin : Le gouvernement de l’Ontario a récemment adopté le projet de loi 60, qui prévoit un certain nombre de changements au fonctionnement de la Commission de la location immobilière. Les délais de traitement se sont considérablement améliorés depuis que le gouvernement a doublé le nombre d’arbitres à temps plein, mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer l’efficacité et l’équité pour toutes les parties qui ont recours à la Commission. Ces changements confirment le droit des résidents à un procès équitable tout en remédiant aux abus ayant retardé leur accès à la justice.
Mizzen : Qu’aimeriez-vous voir se produire non seulement dans de plus grands centres urbains, comme Toronto et Vancouver, mais aussi dans d’autres marchés, au cours des douze prochains mois, pour contribuer à réduire les obstacles à la construction de nouveaux logements multifamiliaux?
Irwin : J’aimerais voir des réformes de zonage permettant une plus grande densification, des processus d’approbation plus rapides pour les nouveaux projets locatifs ainsi que du soutien municipal pour rendre des terrains publics excédentaires accessibles aux fins d’y construire des logements. Il est également important de réduire les redevances et les frais et d’établir des partenariats avec des constructeurs privés et à but non lucratif.
Mizzen : Comment les propriétaires et les promoteurs d’immeubles d’appartements au pays peuvent-ils en faire plus et se tenir au courant du travail de représentation de Logement Locatif Canada? Que souhaiteriez-vous que le secteur privé comprenne mieux à propos de ce travail de représentation auprès des gouvernements?
Irwin : Nous sommes la voix nationale des fournisseurs de logements construits expressément pour la location au Canada. Nous sommes au service des propriétaires, des gestionnaires et des constructeurs de plus d’un million de logements locatifs résidentiels à l’échelle du pays. Depuis 30 ans, notre organisation propose des solutions pratiques par l’intermédiaire d’actions de sensibilisation, de relations stratégiques avec les gouvernements et d’un engagement actif de l’industrie auprès des décisionnaires fédéraux.
Le travail de représentation auprès des gouvernements est un engagement à long terme qui permet d’obtenir les meilleurs résultats grâce à une vision et à une mission que l’industrie a adoptées et soutient. Nos membres peuvent participer à nos campagnes de représentation, assister à des journées de représentation sur la Colline du Parlement auprès de décisionnaires clés et se tenir informés grâce à nos bulletins d’information, nos médias sociaux et nos événements.
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