En bref :
- L’ACI prévoit désormais que les ventes de logements totaliseront 469 503 en 2025, ce qui représente une baisse de 3 % par rapport à l’an dernier et montre que la demande est freinée par la hausse des coûts hypothécaires plus élevés et les risques liés aux droits de douane.
- Le rendement des obligations à cinq ans du gouvernement du Canada est supérieur à 3 % et l’inflation s’est établie à 1,9 % en juin, deux indicateurs selon lesquels il n’y aura aucune baisse des taux en juillet.
- Tant que l’inflation fondamentale ne se sera pas ralentie et que les rendements ne seront pas inférieurs à 3 %, la simulation de crise fédérale continuera à réduire la capacité d’emprunt et à retarder une reprise générale des prix.
Les investisseurs immobiliers canadiens ont pris connaissance mardi des nouvelles prévisions de l’Association canadienne de l’immobilier : 469 503 logements devraient changer de mains en 2025, soit 3 % de moins qu’en 2024, ce qui constitue le deuxième abaissement de l’année. L’évolution des prévisions de l’ACI marque un net revirement par rapport à la croissance de 8 % annoncée en janvier et à la stagnation des perspectives en avril; la faiblesse est concentrée dans les provinces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de l’Ontario.
Les données de Toronto illustrent ce ralentissement. Dans son enquête couvrant le deuxième trimestre de 2025, Urbanation n’a recensé que 502 ventes de nouveaux condominiums dans la région du Grand Toronto, soit 69 % de moins que l’année précédente et 91 % de moins que la moyenne sur dix ans. Les stocks construits invendus ont atteint un niveau record de 2 478 unités, ce qui représente environ 60 mois d’offre, tandis que les prix de vente moyens – 1 212 $ le pied carré – sont en baisse de 6 % sur douze mois.
À l’échelle nationale, les ventes sont stables, mais peu dynamiques : en juin, les transactions ont augmenté de 2,8 % par rapport à mai et de 3,5 % par rapport à juin 2024. L’ACI prévoit également que le prix moyen d’une maison diminuera de 1,7 % pour atteindre environ 677 000 $CA, soit quelque 10 000 $CA de moins que l’estimation faite en avril. Les acheteurs doivent faire composer avec des coûts de financement plus élevés.
Signaux du marché obligataire et pressions sur les taux hypothécaires
La Banque du Canada a mis fin à une série de baisses de taux au début du mois de juin et a maintenu la cible d’un taux à un jour de 2,75 %, invoquant l’incertitude créée par les droits de douane et une inflation fondamentale proche de 3 %.
Les prix du marché reflètent cette position. La probabilité implicite d’une variation des taux lors de la réunion du 30 juillet est inférieure à 6 %, et les contrats à terme sur acceptations bancaires indiquent toujours un objectif de fin d’année près des 2,75 %. Comme les prêteurs établissent les prix de la plupart des prêts hypothécaires à taux fixe sur la base de cette référence, majorée d’une marge de financement, les coûts d’emprunt pour les particuliers n’ont guère changé.
À ces niveaux, les taux sont importants, car la simulation de crise fédérale oblige les emprunteurs à établir leur admissibilité en fonction de leur taux contractuel majoré de deux points de pourcentage. Un ménage qui achète à un taux [d’intérêt] de 4 % doit prouver qu’il serait en mesure d’effectuer des paiements à un taux de 6 %, ce qui réduit son pouvoir d’achat d’environ 3 % par hausse de 25 points de base des taux hypothécaires.
Des événements extérieurs empêchent les rendements de baisser. Le 10 juillet, le président Donald Trump a annoncé l’imposition de droits de douane de 35 % sur les produits canadiens à compter du 1er août; cette annonce a ébranlé la confiance et ajouté du risque aux prévisions canadiennes. Les investisseurs obligataires ont exigé une prime de terme plus élevée pour se prémunir contre un ralentissement des échanges et une inflation persistante. C’est ce qui a renforcé la tendance à la hausse des rendements qui s’est amorcée après la publication d’un rapport en début de semaine annonçant un IPC américain plus élevé.
Les risques liés à l’inflation et au commerce détermineront la prochaine étape de la politique monétaire
L’impasse entre la faible demande de logements et la fermeté des coûts de financement n’est pas nouvelle. Pendant la crise financière mondiale de 2008-2009, la Banque du Canada avait ramené le taux d’intérêt à un jour de 4,5 % à 0,25 % –une réduction totalisant 425 points de base. Les taux hypothécaires affichés à cinq ans sont passés de 6,21 % en septembre 2008 à 4,62 % en mai 2009, et les ventes ont rebondi en l’espace d’un an.
Une tendance similaire est apparue au début de 2015, après l’effondrement des prix du pétrole. Deux baisses ont alors porté le taux directeur à 0,50 %. Les taux hypothécaires à cinq ans sont passés de 3,96 % à environ 3,71 %, et les volumes de revente se sont redressés, en particulier en Ontario et en Colombie-Britannique.
En revanche, en 2022, les prix à la consommation ont dépassé les 8 %, et les décisionnaires politiques ont relevé le taux directeur de 0,25 % à 4,25 % en l’espace de dix mois. Les coûts des prêts hypothécaires à cinq ans ont augmenté et les ventes à l’horizon 2023 ont chuté de près de 20 % par rapport au printemps précédent.
La tendance est claire : lorsque l’inflation est faible, la Banque peut réduire les taux et soutenir le secteur du logement, mais, lorsque l’inflation augmente, le secteur du logement doit absorber un resserrement du crédit. Aujourd’hui, l’inflation fondamentale est persistante, mais ne s’emballe pas, la croissance ralentit et les menaces tarifaires assombrissent les perspectives. Une variation des taux pourrait relancer rapidement l’activité, mais le calendrier dépend des données sur l’inflation et des négociations commerciales.