En bref :
- Au deuxième trimestre, le PIB américain a progressé à un rythme soutenu de 3 %, signe que l’économie reste dynamique malgré l’incertitude créée par les droits de douane.
- La Fed a maintenu le taux de financement fédéral dans la fourchette de 4,25 % à 4,5 % et a fait savoir qu’elle avait besoin de plus de preuves d’un ralentissement de l’inflation avant de pouvoir envisager un assouplissement.
- La forte croissance et la prudence de la Fed suggèrent que les investisseurs ne devraient pas compter sur une baisse des taux d’intérêt avant les premiers signes d’un assouplissement des données économiques.
Les États-Unis ont rendu public mercredi un rapport sur le PIB au deuxième trimestre plus solide que prévu. La production a augmenté à un taux annualisé de 3 %, après avoir encaissé une contraction de 0,5 % au premier trimestre, ce qui signale un nouvel élan malgré l’incertitude créée par les droits de douane. Le chiffre global s’explique en grande partie par une forte variation des échanges commerciaux, mais l’image sous-jacente montre que les consommateurs continuent de dépenser et que l’inflation se rapproche de la cible de 2 % fixée par la Réserve fédérale.
Quelques heures plus tard, lors de sa réunion de politique monétaire, le FOMC (Federal Open Market Committee) a maintenu la cible du financement fédéral dans une fourchette de 4,25 % à 4,5 % pour une cinquième fois consécutive. Deux gouverneurs dissidents se sont prononcés en faveur d’une baisse immédiate d’un quart de point, mettant ainsi en évidence des divergences au sein de la banque centrale. Néanmoins, le président Jerome Powell a réaffirmé que les décideurs politiques voulaient des preuves plus claires que les pressions sur les prix resteront contenues avant d’envisager un assouplissement.
Pourquoi la Fed a-t-elle hésité?
La vigueur du PIB complique les arguments en faveur de baisses de taux. Un taux de croissance de 3 % et un taux de chômage qui se rapproche de son creux historique suggèrent que la vitesse de l’économie demeure suffisante pour risquer de relancer l’inflation si l’assouplissement des conditions financières se fait trop rapidement. M. Powell a insisté sur le fait qu’une baisse [de taux] trop rapide pourrait annuler de récents progrès. Néanmoins, les marchés attribuent désormais une probabilité de 46 % au décret d’une baisse lors de la réunion de septembre, selon l’outil FedWatch du CME Group. Ils parient sur le fait que les droits de douane et le ralentissement de l’embauche freineront la demande dans les mois à venir.
La Fed surveille également une mesure plus souple, celle du ratio des ventes fermes aux acheteurs privés intérieurs, qui a ralenti à 1,2 %. Cet indicateur, qui ne tient pas compte de la volatilité des échanges et des stocks, montre que la demande du secteur privé ralentit alors même que le PIB rebondit. Ce signal mitigé incite les responsables à la prudence.
Faits saillants de la conférence de presse de M. Powell
Le président Jerome Powell a profité de la conférence de presse tenue après la réunion pour insister sur l’importance de la patience et de la dépendance de données. Il a affirmé que le comité [traduction] « n’a pris aucune décision concernant septembre, car nous ne le faisons jamais à l’avance » et qu’il réévaluera la situation après avoir pris connaissance de la prochaine série de chiffres relatifs à l’inflation et au marché du travail.
M. Powell a également formulé l’enjeu du moment en termes pratiques : une baisse trop précoce risque d’entraîner une remontée des prix, ce qui obligerait la Fed à hausser à nouveau les taux, tandis qu’attendre trop longtemps [avant de baisser les taux] pourrait nuire aux embauches. [traduction] « Si vous agissez trop tôt, vous ne parviendrez peut-être pas à résorber l’inflation et vous devrez alors revenir sur vos pas et relever les taux. Si vous agissez trop tard, vous risquez de nuire inutilement au marché du travail », a-t-il ajouté.
Il a reconnu que l’imposition récente de droits de douane compliquait les perspectives, vu l’effet d’augmenter temporairement les prix des biens, tout en affirmant que les attentes en matière d’inflation à long terme restaient ancrées. Jusqu’à ce que les responsables voient « plus clairement » l’interaction entre la politique commerciale et le ralentissement de la demande privée, la fourchette du financement fédéral de 4,25 % à 4,50 % devrait être maintenue. Tout rajustement dépendra d’une tendance convaincante que l’inflation fondamentale redescend vers la cible de 2 % et d’un nouveau ralentissement de la progression de la masse salariale. Le message de Powell est le suivant : un assouplissement de la politique est possible, mais seulement si les données l’imposent.
Les répercussions sur les rendements canadiens
Pour les Canadiens, la question principale est de savoir ce que la résistance soutenue des États-Unis et la patience de la Fed auront pour conséquences de leur côté de la frontière. Pour la troisième fois consécutive, la Banque du Canada a maintenu son taux d’intérêt à un jour à 2,75 % mercredi. Le gouverneur Tiff Macklem doit faire face à une économie nationale plus faible et l’inflation globale est déjà redescendue à un niveau près de la cible.
Jeudi, les estimations du PIB pour juin ont été meilleures que prévu. Statistique Canada a rapporté que le PIB réel a baissé de 0,1 % en mai, après le même pourcentage de baisse en avril. Ce sont les mines, les carrières, le pétrole et le gaz qui ont entraîné une baisse de la production, tandis que l’industrie manufacturière a rebondi de 0,7 %. Une estimation du début juin indique un gain de 0,1 % attribuable au commerce de détail et de gros, et ce, même si la production manufacturière baisse à nouveau. Dans l’ensemble, cela donnerait une croissance négative du PIB de -0,1 % au deuxième trimestre, alors qu’on s’attendait cette semaine à une croissance négative de -0,3 %.
Une enquête réalisée par Reuters avant la décision montre que la plupart des économistes s’attendent toujours à deux autres baisses de taux de la part de la BdC d’ici la fin de l’année à partir de septembre. Les nouvelles données, tant aux États-Unis qu’au Canada, commencent à remettre en cause cette hypothèse. Les rendements des obligations du Trésor américain n’ont que légèrement baissé après la déclaration de la Fed, tandis que celui de la note à deux ans reste juste en dessous de 4 %. Les rendements obligataires canadiens continuent de suivre les mouvements américains.
Quoi surveiller maintenant
Les variables décisives sont désormais l’inflation fondamentale et la progression de la masse salariale aux États-Unis. Des prix de services stables ou un rapport solide sur l’emploi en juillet donneraient à la Fed l’occasion de rester sur la touche, ce qui pousserait les rendements canadiens à la hausse pour plus longtemps. À l’inverse, un net recul des embauches aux États-Unis pourrait permettre à M. Powell de baisser les taux sans craindre une reprise de l’inflation, ce qui soulagerait les marchés obligataires nord-américains.
La plus récente décision de la Fed et la surprise concernant le PIB laissent présager le maintien des taux actuels à moins d’un ralentissement marqué de la croissance mondiale.