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Les 9 billions de dollars de bons venant à échéance en 2025 entraîneront-ils une hausse des rendements du Trésor américain?

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En bref :

●     Tsunami du côté de l’offre : Quelque 9 200 milliards de dollars de bons du Trésor arriveront à échéance en 2025, ce qui représente un tiers du marché et 30 % du PIB. Le déficit atteignant 1 900 milliards de dollars, les émissions totales – principalement au premier semestre – dépassent les 10 billions (10 000 milliards) de dollars.

●     Perspectives de rendement : Le rendement du bon à 10 ans a augmenté par rapport à son creux de l’automne dernier en raison de préoccupations à l’égard de l’offre, et les stratèges s’attendent à une fourchette de rendement d’entre 4 % et 5 % en 2025, à moins que la demande ne s’affaiblisse.

Le marché obligataire s’apprête à faire face à un défi extraordinaire en matière d’offre. Quelque 9 200 milliards de dollars de bons du Trésor américain, soit un tiers de l’encours des titres négociables et près de 30 % du PIB américain, arriveront à échéance en 2025 et il est estimé qu’entre 55 % et 60 % de ces bons arriveront à échéance avant le mois de juillet. Si le Congressional Budget Office (le Service d’études budgétaires du Congrès) ajoute à ce total un déficit fédéral de 1,9 billion de dollars, les émissions brutes dépassent les 10 billions de dollars – un montant qu’aucun marché moderne n’a eu à absorber à ce jour.

Pourquoi les emprunteurs canadiens devraient-ils en prendre note? Historiquement, les rendements obligataires canadiens ont tendance à afficher une très forte corrélation avec les rendements américains. Simplement dit, si Washington paie davantage pour refinancer sa dette, Ottawa – tout comme les ménages canadiens – finit généralement par payer davantage aussi.

Le marché obligataire s’apprête à faire face à un défi extraordinaire en matière d’offre. Selon les registres du Trésor américain, 9,2 billions de dollars de titres négociables, soit environ un tiers de l’ensemble du marché des titres du Trésor et près du tiers du PIB, arrivent à échéance en 2025, dont environ 55-60 % avant le mois de juillet. Si l’on ajoute à cela le déficit de 1,9 billion de dollars prévu par le Congressional Budget Office (CBO) pour l’exercice 2025, le gouvernement devra vendre pour plus de 10 000 milliards de dollars de titres cette année – un volume qu’aucun marché moderne n’a eu à absorber à ce jour. Étant donné que les emprunts contractés récemment pendant la pandémie reposaient essentiellement sur des bons à courte échéance, un tiers de l’encours de la dette est renouvelé tous les douze mois, ce qui rend les coûts de financement du gouvernement fédéral sensibles à chaque adjudication de titres.

Pourtant, la durée moyenne est encore longue par rapport à l’expérience historique. L’échéance moyenne pondérée approche les soixante-douze mois, ce qui est près de son sommet de trois décennies, en raison d’un transfert de dette interne délibéré lorsque les taux étaient près de zéro. Malgré cela, la part des bons qui arrivent à échéance dans un an ou moins est remontée à environ 21 %, par rapport à un creux de 15 % en 2021, ce qui souligne la tension entre l’immobilisation de financement à terme et le maintien d’une certaine souplesse. Les adjudications de coupons assortis de plus longues échéances restent plafonnées de sorte que les besoins supplémentaires en liquidités sont satisfaits par des ventes plus élevées de bons et par un nouvel indice de référence à six semaines qui a fait ses débuts en 2024 pour lisser le segment à court terme de la courbe.

Les gros chiffres ne s’arrêtent pas pour autant en 2025. Les prévisions de février du CBO situent les déficits dans une fourchette de 5 % à 7 % du PIB pour la prochaine décennie, ce qui représente de nouveaux emprunts d’environ 21 billions de dollars jusqu’en 2034. Si les plans actuels tiennent, la dette publique passera d’environ 30 billions de dollars aujourd’hui à plus de 52 billions de dollars en 2035, portant ainsi le ratio dette-PIB à plus de 118 %, bien au-dessus du record établi après la Seconde Guerre mondiale. Le service de la dette devient de plus en plus coûteux : les dépenses nettes d’intérêts ont dépassé 900 milliards de dollars pour l’exercice 2024, ont approché 950 milliards de dollars en 2025 et devraient dépasser 1 000 milliards de dollars en 2026, absorbant ainsi des parts de plus en plus importantes du budget fédéral.

Le Trésor échelonne l’offre et ajoute des concours de trésorerie pour gérer le risque de refinancement. Il vise à maintenir la part des bons dans le portefeuille à près de 20 % et a relancé des rachats réguliers, de jusqu’à 4 milliards de dollars par semaine en obligations « peu en vogue » pour soutenir la trésorerie, ainsi qu’un montant exceptionnel de 59,5 milliards de dollars autour des recettes fiscales d’avril pour atténuer les fluctuations de trésorerie et éviter les hausses de volumes d’adjudications. Jusqu’à présent, les adjudications se sont déroulées sans encombre : les bons émis en début de 2025 ont un rendement de près de 5 %, et la plupart des bons à deux ou dix ans se négocient dans une fourchette minimale.

Pourtant, les marchés l’ont remarqué. Lorsque les opérateurs ont intégré dans leurs prévisions, l’automne dernier, le déluge de 2025, le rendement du bon à dix ans est passé d’environ 3,8 % à plus de 4,5 % – portant du coup les rendements réels à des niveaux inégalés depuis une décennie. Les analystes estiment que chaque hausse de 30 points de base du taux à dix ans ajoute environ 1,8 billion de dollars aux coûts d’intérêt sur dix ans, ce qui incite le Trésor à financer en douceur. La Réserve fédérale réduisant son bilan, l’acheteur marginal est désormais un fonds national sensible aux prix ou un gestionnaire de réserves étrangères. Si l’une de ces cohortes ne veut pas suivre, les rendements doivent augmenter jusqu’au retour à l’équilibre.

Le mur de 9 billions de dollars entraînera-t-il donc une forte hausse de taux? Ce ne sera probablement pas de manière désordonnée, mais il est presque certain que cela ancrera les rendements dans une fourchette plus élevée. La plupart des stratèges estiment que le taux du bon à dix ans devrait se situer dans une fourchette d’entre 4 % et 5 %, ce qui est nettement supérieur à la norme des années 2010, mais reste gérable, tant que les adjudications se déroulent dans de bonnes conditions et que l’inflation reste contenue. La profondeur du marché, les outils d’échelonnement du Trésor et le statut de monnaie de réserve du dollar américain demeurent des amortisseurs suffisants. Toutefois, vu qu’une telle quantité de dette est refinancée chaque année, toute baisse de la demande ou tout nouveau choc de politique [monétaire] pourrait faire grimper rapidement les coûts d’emprunt. En bref, le mur des bons venant à échéance est moins un déclencheur de crise qu’une inclinaison permanente à la hausse de la structure des taux américains avec laquelle les investisseurs et les décisionnaires politiques doivent composer.